L'une des questions les plus fréquentes dans les projets de recherche européens aujourd'hui est de savoir comment garantir l'accès au matériel et aux données de recherche. Le don de données (ou la donation de données) est de plus en plus souvent mentionné comme une solution possible. Le don de données est spécifiquement mentionné dans le débat sur le partage des données à caractère personnel à des fins de recherche, y compris lors du don d'échantillons ou de tissus corporels à la science, ce qui donne aussi implicitement accès aux données connexes du donneur. Ce concept empiète sur le débat sur la propriété des données et sa relation avec la protection des données depuis quelques années. Ce blog explique brièvement pourquoi le concept de don de données à caractère personnel, malgré ses avantages pour la recherche scientifique, est en grande partie un oxymore juridique.
À première vue, un don de données signifie simplement le transfert permanent de données d'une entité à une autre, en général ou pour un but précis. Les transferts sont une pratique courante, en raison des nécessités de l'entreprise ou d'une obligation légale. En soi, un transfert de données n'est pas particulièrement problématique, sauf si les données transférées sont des données à caractère personnel.
En droit civil, une donation a une signification très spécifique : c'est le concept de transfert de la propriété des biens sans aucune compensation. Il s'agit essentiellement d'un cadeau.
Une donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l'accepte.
Deux des principales caractéristiques d'une donation, outre l'absence de compensation, sont donc les notions de (transfert de) propriété et d'irrévocabilité.
Dans le domaine de la santé, le concept de don est utilisé pour le don d'organes ou de sang ou même le don posthume. Mais ces dons concernent des objets physiques, pour lesquels aucune utilisation concomitante n'est possible, et l'irrévocabilité du transfert est factuelle.
En général, tout système de don de données doit être conforme au RGPD. Par conséquent, il doit
Toutefois, la notion de "don" semble poser des problèmes sur au moins trois points liés à la législation sur la protection des données à caractère personnel :
Par souci d'exhaustivité il faut mentionner que les dons posthumes ne sont pas aussi problématiques, car le RGPD ne s'applique pas aux données à caractère personnel des personnes décédées. La législation sur la protection des données ne les considère pas comme des personnes physiques. Toutefois, il convient de garder à l'esprit que les données à caractère personnel des personnes décédées peuvent être réglementées au niveau national. Par exemple, les articles 84 et suivants de la loi française sur la protection des données prévoient que les personnes peuvent donner des instructions spécifiques concernant le traitement de leurs données à caractère personnel après leur décès. En outre, les données concernant les personnes décédées peuvent contenir des données à caractère personnel de personnes vivantes, qui, elles, sont couvertes par le RGPD.
La notion de "don" n'est donc pas adéquate dans le contexte de la législation sur la protection des données à caractère personnel. Le "don de données à caractère personnel " semble d’être un oxymoron, au moins dans le sens où il suggère un degré de liberté et de flexibilité qui n'existe pas dans le RGPD : les données à caractère personnel ne peuvent pas être rendues "libre d'utilisation" par un don.
Cependant, le don est également un concept bien connu, notamment dans le domaine de la santé et de la science, où les organes et le sang sont souvent donnés. Par conséquent, la notion de "don de données" pourrait être utilisée pour sensibiliser à la nécessité de mettre des données à caractère personnel à la disposition de la recherche scientifique et aux conditions dans lesquelles cela peut être fait.
Les dons inconditionnels ne sont pas viables, mais avec un cadre approprié pour la détermination de la portée des consentements - définition des finalités, gestion du consentement et proportionnalité - on peut créer un certain degré de souplesse. En outre, la création d'un cadre pour les dons spontanés de données à caractère personnel, en dehors des études et des essais cliniques, où les participants sont présélectionnés, garantirait la disponibilité de données à caractère personnel impartiales à des fins de recherche scientifique.
La sensibilisation par des parallélismes avec des pratiques bien connues serait utile pour favoriser l'accès aux données à caractère personnel à des fins de recherche scientifique. Mais cela ne doit pas être fait au détriment de la protection des droits fondamentaux des personnes concernées. Par conséquent, le cadre du "don" de données à caractère personnel doit être clairement délimité et géré.