Depuis le 1er janvier 2023, les règles du nouveau droit des obligations s'appliquent. Ces (nouvelles) règles affectent les contrats informatiques conclus depuis cette date dans un certain nombre de domaines. Dans ce billet de blog, nous expliquons 7 changements importants concernant les contrats informatiques.
Qu'est-ce qui a changé et quand les changements sont-ils entrés en vigueur ?
Le Moniteur belge a publié le 1er juillet 2022 les lois introduisant le Livre 1 et le Livre 5 du nouveau Code Civil (CC) :
Ces règles sont entrées en vigueur le 1er janvier 2023 et s'appliquent aux contrats conclus après le 1er janvier 2023. Les contrats conclus avant le 1er janvier 2023 qui ont été prolongés, renouvelés ou exécutés après cette date continueront à être régis par l'ancien régime, à moins que les parties contractantes n'en aient convenu autrement.
Il est également important de noter que la numérotation des futurs livres du Code Civil a changé depuis le 1er janvier 2023. Les articles sur la responsabilité extracontractuelle ont été omis du Livre 5 et seront donc inclus dans le Livre 6. En 2019, le Livre 6 demeurait réservé aux contrats spéciaux. Il devient le Livre 7, qui lui-même était réservé aux sûretés. Afin de conserver la numérotation du Livre 8 déjà adopté sur la preuve, le livre sur les suretés sera déplacé au Livre 9.
Nous soulignons ci-dessous quelques dispositions importantes qui peuvent avoir un impact particulier dans le contexte des contrats informatiques et du commerce électronique :
L'article 1.5 CC traite le principe de notification, qui peut être pertinent pour la notification d'une proposition de contrat (contraignante ou non contraignante) à un partenaire de négociation et l'acceptation (contraignante ou non contraignante et prouvée) d'une proposition par le destinataire. Ce principe s'applique également à la notification d'actes juridiques tels que la résiliation ou la résolution unilatérale d'un contrat. Il est traditionnellement admis qu'une notification parvient au destinataire lorsque celui-ci en prend connaissance ou aurait pu raisonnablement en prendre connaissance.
Les notifications effectuées par des moyens électroniques (par exemple le courrier électronique) comportent un élément d'incertitude juridique, car il est possible qu'une adresse électronique ne soit plus utilisée par le destinataire. C'est pourquoi l'article 1.5 du CC énnonce que la notification à une adresse électronique n'est réputée être parvenue au destinataire que si celui-ci a préalablement accepté l'utilisation de cette adresse électronique ou d'un autre moyen de communication électronique.
La loi ne détermine pas comment l'acceptation du moyen de communication doit être faite, ni si cette acceptation doit être explicite. Une adresse électronique, ainsi que les autres coordonnées des contacts, peuvent être mentionnées comme coordonnées dans un accord écrit classique. Cependant, la question de savoir si l'acceptation d'un moyen de communication particulier ou d'une adresse électronique peut également être déduite implicitement, par exemple lorsqu'une personne a utilisé le moyen de communication lui-même pour communiquer des propositions ou des actes juridiques, n’est pas claire. Au cours des travaux parlementaires, il a été mentionné que l'utilisation d'une adresse électronique n'est acceptée que dans le contexte dans lequel cette utilisation a été convenue. Ainsi, l'adresse électronique ne serait acceptée comme moyen de communication que dans le cadre d'un contrat particulier pour lequel ce moyen de communication a été convenu. Cela limite les possibilités d'acceptation implicite. Si aucune adresse électronique ou aucun moyen de communication n'a été accepté, l'expéditeur devra prouver la prise de connaissance de la communication électronique.
L'article 5.23 CC régit ce que l'on appelle la « battle of the forms ». Lorsque les parties soumettent leurs propositions de contrat mutuel au cours des négociations et qu'elles déclarent toutes deux leurs conditions générales applicables - qui seront, par définition, contradictoires sur de nombreux points - la question se pose de savoir quelles conditions générales s'appliqueront lors de la conclusion du contrat. Sous l'ancien régime, différentes solutions à ce conflit étaient appliquées.
L'article 5.23 du CC pose d'abord la règle logique selon laquelle le contrat négocié prévaut sur les conditions générales. Quant à l'application des conditions générales, la règle est que les clauses contradictoires des conditions générales réciproques s'annulent.
Étant donné que les conditions générales de vente et d'achat sont généralement contradictoires, il ne restera pas beaucoup de clauses après l'élimination des clauses contradictoires. Les parties sont alors liées par un contrat principal (parfois simplement un bon de commande, un formulaire de commande ou autre) et des conditions générales décimées. Il peut donc y avoir des lacunes importantes :
Si l'une des parties à la négociation ne souhaite pas être liée par un contrat comportant de telles lacunes, elle doit le notifier à l'autre partie à l'avance ou le plus tôt possible après avoir reçu la proposition et les conditions générales. Dans ce cas, aucun contrat ne sera formé.
En tout état de cause, une clause dans les conditions générales qui stipule simplement que les conditions générales de l'autre partie ne s'appliquent pas n'est plus une solution. Une telle clause peut toutefois être incluse dans un accord principal négocié et signé.
Par analogie avec la loi B2B (l'actuel article VI.91/3 du Code de Droit Economique (CDE)), l'article 5.52 du CC prévoit que la stipulation qui crée un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite. Cette règle ne s'applique pas seulement aux contrats d’adhésion unilatérale (comme on le dit parfois à tort), mais aussi à toute clause d'un accord qui n'a pas pu être négociée.
Dans les relations B2B, c’est la règle spécifique et quelque peu similaire de l'article VI.91/3 COB qui s'applique. Dans les relations B2C, c'est la règle spécifique de l'article VI.82 CDE qui s'applique. Ainsi, ces deux dispositions spécifiques règlent la question des clauses abusives dans un contexte B2B et B2C et prévalent en vertu de leur spécificité, de sorte que la règle générale de l'article 5.52 CC est mise de côté, et n'est pertinente que dans les relations C2C et certains secteurs auxquels les règles spécifiques ne s'appliquent pas, tels que le secteur financier.
Lorsqu'il y a un déséquilibre manifeste dans l'exécution des prestations parce qu'une partie a abusé des circonstances liées à la situation de faiblesse de l'autre partie lors de la conclusion du contrat, la partie la plus faible peut demander au tribunal d'ajuster ses engagements, ou demander la nullité de l'ensemble du contrat si l'abus a été déterminant pour la conclusion du contrat (article 5.37 du CC).
Une « position de faiblesse » peut résulter d'une urgence ou d'une contrainte particulière (par exemple, un besoin urgent d'une solution informatique, une calamité à laquelle il est urgent de remédier), mais peut également être liée à une ignorance ou à une inexpérience particulière, par exemple en ce qui concerne le fonctionnement d'un logiciel ou des problèmes informatiques.
Une différence de connaissance n'est pas en soi suffisante pour invoquer la disposition, il doit y avoir un abus de cette ignorance ou inexpérience. Cette disposition n'est pas nouvelle ; sous l'ancien régime, l'abus de faiblesse était parfois sanctionné sur la base de la théorie de la « lésion qualifiée » ou sur la base d'un manquement du professionnel spécialisé à son devoir de conseil ou d'information. C'est surtout dans les années 1980 et 1990 que sont apparues de nombreuses jurisprudences et doctrines juridiques qui offraient une forte protection aux clients inexpérimentés en matière de contrats informatiques. Au fil des ans, l'écart de connaissances entre les prestataires de services informatiques et les clients n'est plus aussi absolu (en fonction des ressources d'une entreprise et de la complexité d'un projet). La disposition de l'article 5.37 CC pourrait éventuellement être utilisée en cas d'abus lié au manque de connaissances ou d'inexpérience. Il existe un certain parallèle avec l'article IV.2/1 CDE, qui sanctionne l'abus d'une position de dépendance économique en tant que règle de concurrence déloyale.
Par ailleurs, l'article 5.16 CC souligne qu'au cours des négociations précontractuelles, les parties peuvent être tenues de fournir des informations si cette obligation découle de la bonne foi et des usages, en tenant compte de la capacité des parties, de leurs attentes raisonnables et de l'objet du contrat. En fonction des circonstances, notamment des connaissances et de l'expérience du client, et de l'assistance éventuelle d'un consultant externe, une telle obligation d'information peut s'appliquer au prestataire de services informatiques spécialisé.
4.1. Deux sanctions classiques : la résolution et l'exécution forcée
Le droit classique des obligations prévoit deux sanctions principales lorsqu'une partie n'honore pas correctement ses engagements :
Si le manquement cause un préjudice, des dommages et intérêts peuvent également être réclamés. En outre, les parties peuvent convenir d'une indemnité forfaitaire ou minimale dans une clause pénale (pensez par exemple à une indemnité forfaitaire par semaine de retard dans la livraison d'un projet de logiciel).
Outre la résolution et l'exécution forcée, le Code Civil contient désormais une base légale pour demander une réduction de prix (article 5.97 CC). La réduction correspond alors à la différence entre la valeur de la prestation convenue et la valeur de la prestation reçue. Cette sanction peut s'avérer utile lorsque le manquement n'est pas suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat. Prenons l'exemple d'un logiciel dont certaines fonctionnalités manquantes sont d'importance mineure, ou d'un non-respect des niveaux de SLA qui n'est pas explicitement sanctionné par des crédits de service forfaitaires.
Selon le droit des obligations classique, en cas de manquement suffisamment grave de la part de l'autre partie, une partie peut demander la résolution du contrat devant les tribunaux. Dans une clause résolutoire expresse, les parties peuvent indiquer expressément quels sont les manquements ou les faits qui peuvent donner lieu à la résolution, sans qu'il soit nécessaire de demander la résolution en justice. Il s'agit des clauses typiques qui font référence à un « manquement grave » (que ce soit ou non après une mise en demeure accordant un délai de grâce pour remédier au manquement), à la faillite, à la liquidation, etc.
Selon l'ancien droit, si une partie souhaitait mettre fin au contrat en raison d'un manquement grave qui n'était pas expressément mentionné dans une telle clause, elle était obligée de demander la résolution par voie judiciaire. Étant donné la longue durée des procédures judiciaires, la jurisprudence a accepté pendant plusieurs décennies qu'en cas de violation suffisamment grave, une partie puisse mettre unilatéralement fin à un contrat sans procédure judiciaire. Elle le fait à ses risques et périls. Si l'autre partie conteste la résolution unilatérale et que cette résolution est jugée fautive par le tribunal, la partie qui a pris la décision fautive est responsable.
La règle jurisprudentielle susmentionnée est désormais consolidée à l'article 5.93 CC. Une partie peut donc unilatéralement, par le moyen d'une lettre, procéder à la résolution. La condition est que le manquement soit suffisamment grave pour justifier la résolution. La possibilité d'appliquer cette règle dans le cadre d'un projet informatique est importante. En cas d'échec d'un projet, le client doit pouvoir terminer le contrat immédiatement sans devoir attendre une procédure judiciaire.
La loi n'exige pas d'urgence pour procéder à la résolution unilatérale. Néanmoins, il est clair que la partie qui termine le contrat de cette manière prend un risque. La partie à l’encontre de laquelle la résolution s’applique peut saisir le tribunal et faire valoir que la résolution est injustifiée, par exemple parce que le manquement invoqué n'est pas suffisamment grave pour justifier une résolution, ou parce que l'autre partie est elle-même responsable, en tout ou en partie, du manquement. Le tribunal peut alors éventuellement conclure à une résolution injustifiée et annuler la résolution ou accorder des dommages-intérêts. Le cas échéant, le tribunal désignera un expert pour évaluer les faits. Ces procédures judiciaires peuvent être longues. Mais entre-temps, le projet en question a été terminé et éventuellement remplacé par un autre projet avec un autre prestataire de services. Cependant, les conséquences financières de la résolution - justifiée ou non - peuvent rester incertaines pendant des années.
L'article 5.90 CC prévoit désormais également que la résolution peut avoir lieu lorsque, concrètement, il n'y a pas encore de manquement grave, mais qu'il est suffisamment clair que le cocontractant ne respectera pas ses obligations à temps (par exemple, lorsque les délais fixés sont stricts et importants, et qu'il est clair qu'ils ne pourront pas être respectés). L'autre partie peut donc anticiper avec suffisamment de certitude une défaillance qui se produira. Dans le monde anglo-saxon, on parle alors d’une « anticipatory breach ». Toutefois, la loi exige que la partie défaillante ait été mise en demeure de fournir, dans un délai raisonnable, des garanties suffisantes pour la bonne exécution de ses obligations . Ainsi, une opportunité réaliste doit être offerte de continuer à respecter l'engagement. De plus, les conséquences de l'inexécution doivent être suffisamment graves pour la partie qui procède à la résolution.
L'article 5.94 CC prévoit désormais que si une résolution unilatérale fautive est appliquée, le tribunal décide que la résolution est « caduque ». Dans le droit antérieur, ce n'était pas le cas et une résolution restait toujours une résolution. Des dommages-intérêts punitifs étaient alors accordés, calculés principalement sur le chiffre d'affaires ou les bénéfices perdus. Si une résolution est déclarée caduque, cela signifie que le contrat reprend vie et doit donc être exécuté. Si cela se produit après plusieurs années de litige, cela n'a plus de sens. Il faut espérer que le juge pourra déterminer la sanction la plus appropriée avec suffisamment de souplesse.
En ce qui concerne les options d’extinction, il est important de noter que l'article 1794 de l'ancien Code Civil restera en vigueur pour le moment. Les règles juridiques spéciales de l'ancien Code Civil sur l'achat, la location, les contrats de construction (y compris les contrats de service) et d'autres contrats spécifiques resteront en place jusqu'à ce que le Livre 7 du Code Civil (sur les contrats spéciaux) soit introduit. A l’heure où ces lignes sont rédigées, la date d'introduction du Livre 7 n'est pas claire car les textes n'ont pas encore été approuvés par le Conseil des Ministres. L'article 1794 de l'ancien Code Civil implique que le maître d’ouvrage d'un contrat de service ou d'un contrat de construction à forfait peut toujours résilier unilatéralement ce contrat moyennant le paiement des travaux exécutés, des coûts et du manque à gagner.
Si le cocontractant n'exécute pas correctement son obligation, l'autre partie peut procéder à une réduction de prix, à la résolution du contrat ou à l'exécution forcée. Une autre forme d’« exécution forcée » consiste pour le créancier (« maître d’ouvrage ») à faire exécuter l'obligation par un tiers aux frais du débiteur défaillant (« prestataire de services »). Dans les contrats informatiques, cette situation est souvent régie par une clause de « step-in », qui peut réglementer en détail les modalités d'une telle substitution. Cette substitution entraîne généralement des coûts supplémentaires, car le remplaçant doit se familiariser avec un projet qui lui est inconnu.
Si les parties n'ont pas prévu de clause de « step-in », le créancier peut invoquer le nouvel article 5.85 CC. En vertu de cet article, le créancier (« donneur d'ordre ») peut remplacer la partie défaillante (« prestataire de services ») à ses risques et périls au moyen d'une notification unilatérale exposant les manquements et justifiant le remplacement. La défaillance doit également avoir été préalablement constatée par une mise en demeure. Il est toutefois curieux que l'article ne prévoie cette possibilité que « en cas d'extrême urgence ou d'autres circonstances exceptionnelles », alors que la loi n'exige pas d'urgence pour la résolution unilatérale du contrat. D'autre part, l'article 5.85 CC n'exige pas de manquement grave, ce qui est le cas pour la résolution unilatérale.
Les contrats informatiques sont souvent des contrats connexes. Un contrat principal tel qu'un accord de projet est étroitement lié à des contrats accessoires tels que des licences et des contrats de maintenance, qui n'ont aucune utilité en dehors du contexte du projet. Les contrats de maintenance sont de toute façon des contrats accessoires aux contrats de licence ou de matériel. Lorsqu'un contrat principal tel qu'un accord de projet prend fin, par exemple en raison de l'échec du projet, la question se pose de savoir ce qu'il advient des contrats accessoires conclus avec des tiers tels que les donneurs de licence ou les fournisseurs de services d'assistance, qui ne sont pas responsables de l'échec. Dans le passé, la jurisprudence estimait généralement que les contrats accessoires devaient égalementprendre fin car ils n'avaient plus d'utilité.
L'article 5.142 CC prévoit désormais expressément que l'anéantissement du contrat principal constitue une condition résolutoire tacite et confirme ainsi la jurisprudence actuelle. Dès lors, lorsqu'il ressort avec certitude de l'intention des parties qu'un contrat doit prendre fin par l'anéantissement d'un autre contrat auquel les parties ont fait dépendre le sort du contrat, ce dernier sera également terminé. La nature du contrat et l'intention des parties seront déterminantes. De nombreuses autres provisions ayant un impact sur les contrats informatiques Il existe évidemment de nombreuses autres provisions qui peuvent avoir un impact sur les contrats informatiques. De nouvelles règles ont notamment été introduites en ce qui concerne la rupture abusive des négociations et l'impact d'un changement grave de circonstances sur le contrat (imprévision), ainsi que certaines dispositions qui ont été modifiées de manière plus subtile (comme la réglementation des clauses d’exonération et de la clause pénale). Dans cet aperçu, nous nous sommes toutefois concentrés sur les changements importants concernant des aspects qui surviennent fréquemment dans les négociations et les litiges relatifs aux contrats informatiques.
Vous avez encore des questions sur l'impact du nouveau droit des obligations sur vos contrats informatiques et vous souhaitez un rendez-vous d'introduction ? Réservez un appel gratuit de 15 minutes avec Stefan Van Camp (réservé aux organisations).